— CAtharsiS —

Dans le tourment des eaux sacrées

Les romantiques ont voué leur vie à saisir tout ce qu’il y avait de plus insaisissable dans la nature. Les lettrés se sont essayés à décrire l’indicible vision de la beauté. Les poètes se sont enivrés de lyrisme pour capter les émotions qui s’échappaient au contact du sauvage. Les peintres ont incarné les divins messagers de l’inexpugnable puissance qui les terrifiait tant. Aujourd’hui, la nature n’est plus la divinité sacralisée de jadis. Nous ne ressentons plus l’écho qu’elle nous offre pourtant. Nous nous refusons d’écouter son murmure, de « réseauner » avec elle. Ce lien perdu, j’ai souhaité le mettre en lumière à travers les fragments de temps qui composent mes images. Dans cette volonté de concilier romantisme, photographie et philosophie, j’invite l’observateur à se questionner sur son rapport à la nature, à soi, afin de le mener à la catharsis et, peut-être, au lien retrouvé.

— Nostalgie

Il s’agit du point de départ d’une faiblesse. Un fardeau, un poids, desquels on ne se détache plus. Le temps ne laisse que des souvenirs amers, à la croisée des bonheurs perdus et de tous ces instants qu’on ne reverra jamais plus. De peur que la vague tristesse de nos regrets n’assombrissent davantage le ciel de nos pensées, nous nous enfermons dans les profondeurs du passé. Nos âmes, emplies d’émois, croulent alors sous les décombres d’idées ternies, acculées par les secondes qui ne cessent de se dérouler. Comment avancer lorsque tant de reliques jonchent le socle de nos entendements ? Doit-on les contourner, au risque de renier ce qui nous façonne ? Sans que nous puissions nous en rendre compte, nous devenons les prisonniers assujettis au conflit qui se dresse en nos seins, entre la mémoire et l’oubli. L’une combat l’éphémère, l’autre accable l’éternel. De cette dualité naît la nostalgie, monument des regrets. Elle nous pose à chaque fois la même question ; quel est le pire entre les remords éprouvés pour ces fragments de vie qui semblent renaître à l’infini, et les remords de ces éclats d’allégresse que notre indifférence a condamnés ?

— AdversiTé

La plupart des pans jusque-là engloutis par le plafond nuageux émergèrent enfin. Je me souviens de la fragilité de ces quelques arbres assez visionnaires pour avoir pris racine là où la vie ne semblait guère pouvoir prendre place, dans cet enfer rocailleux soumis aux nombreux tumultes du temps. Et pourtant, leurs silhouettes trônaient fièrement parmi les immenses murailles qui se dressaient autour d’eux. Je venais sans doute de recevoir une leçon ce jour-là, montrant que rien n’est impossible à quiconque se donne la peine, non pas de résister, mais d’accepter de s’adapter. C’était pourtant bien plus facile à dire qu’à faire…

— EffOnDrEMEnT

Nous sommes à l’évidence, de même que tous les autres animaux avec lesquels nous partageons tant de similitudes, des êtres de sensibilité. Parfois vue comme une force, d’autres fois comme une faiblesse, notre sensibilité nous rend perméable aux affres de ce monde. Nous ne restons pas indifférents à ce qui nous entoure, nous vibrons à la fréquence de tous les événements qui se profilent. Il en est certains capables de faire tomber toutes les pierres de notre édifice du bonheur si difficilement construit. Le monde paraît alors complètement s’écrouler autour de nous. Ce lien particulier, que nous possédons avec ces choses qui nous arrivent, atteint directement le siège de nos émotions. Là où l’omniscience n’y verrait que de simples faits, l’humain a cette faculté d’écrire son histoire avec les bouleversements desquels il attache une signification, par sa biographie, ses rencontres, ses passions. En réalité, le malheur ne provient que de nos âmes en peine. C’est notre être lui-même qui s’effondre. Le reste du monde n’est ni malheur, ni bonheur. Il est seulement là.

— DésolaTiOn

« Ce n’est pas la lumière qui manque à notre regard, c’est notre regard qui manque de lumière. », Gustave THIBON. Qui sommes-nous au regard de l’immensité du couvert d’émotion qui habille nos âmes ? Des êtres errants peut-être, en quête de ce qui saura nous raccrocher au monde. La désolation rend notre appartenance au réel, chimère. Tout semble se dissoudre alentour, tout paraît se vider de sens. Aspirés un peu plus chaque jour dans les limbes de nos affres, nous souffrons d’un manque cruel de repères. Plus rien ne guide nos pas, nous finissons étouffés par un vide grandissant. La volonté se soumet au semblant d’impossibilité, comme retenue par les remparts de la résignation. Elle s’abandonne finalement à la fatalité, par un mouvement d’aliénation, la privant de toute possibilité de voir émerger la lumière. Il lui faut alors attendre, patiemment, qu’un éclat vienne à nouveau susciter son éveil.

— VertiGe

« Il aurait pu lutter encore, tenter sa chance : il n’y a pas de fatalité extérieure. Mais il y a une fatalité intérieure : vient une minute où l’on se découvre vulnérable, alors les fautes vous attirent comme un vertige. »

Vol de nuit, Antoine de Saint-Exupéry

— fAtaLité

Sous le poids de la fatalité, la vie paraît se livrer aux portes de la destinée. Désormais otage, soumise à la bonne fortune des éléments, elle appelle à leur clémence face à leur enchaînement. Son cri résonne en silence, vers l’abîme dans lequel elle semble sombrer. Ébranlée, secouée, désarmée entre les lames de l’inévitable, elle tente vainement de comprendre les causes de ce qui l’accable. Face à l’absence de réponse, l’être finit par abandonner sa volonté au règne de la nécessité. C’est pourtant une bien funeste délivrance, que de se laisser aller à la grâce du hasard. Mais le refuge paraît aisé, à quelconque volonté en proie à la disharmonie du monde… Est-il seulement possible d’en sortir ?

— LamenTaTioNs

Lamentations, comme une musique perpétuelle, en ces temps de profonde dépression…

— Enfers

Serons-nous ces âmes condamnées devant l’échafaud de la souffrance jusqu’au crépuscule de nos ans ? La vie heureuse n’est-elle pas déjà oxymore dès que notre premier souffle nous traverse ? Tant de douleurs nous contraignent en ce monde, tant d’effrois nous aspirent au firmament de la nuit, tant de supplices endolorissent nos cœurs… Et cet affligeant questionnement qui revient sans cesse à en perdre la raison : pourquoi sommes-nous ainsi faits pour supporter le préjudice de nos vies ? Dans ces entrelacs se cache certainement un enfer qui paraît sans cesse nous appeler. Faut-il lui résister ?

— InTROsPEcTiON

Les joies, les peines. Les sourires, les pleurs. L’allégresse, la tristesse. Les émotions se jouent, se déjouent, comme des facéties dans la petitesse de nos existences. Evertués à rechercher ce qui nous sied le mieux, nous vivons en nous-mêmes la tragédie de l’éphémère. Car aucune émotion ne saurait connaître la stabilité. Nous ne sommes que leurs abris passagers, voués à les subir sans pouvoir les éviter. C’est peut-être à ce moment-là que nous sommes le plus en mesure d’effectuer notre introspection, afin de sonder les profondeurs de nos âmes tourmentées.  Il s’agit alors sûrement d’apprivoiser l’émotion, de la connaître pour éviter de devoir s’en méfier, de la laisser venir à soi au lieu de la laisser envahir le soi. L’introspection est sûrement un lieu de vérité où le soi rencontre le moi, où le dialogue est possible, permettant de saisir, enfin, l’insaisissable…

— TRanScEnDAnce —

L’humain a cru pouvoir se dire maître de la nature. Il a osé, avec tant d’insolence, se mesurer à l’incommensurable. Il a, dans son regard, abrité les pires espoirs de domination. Il a voulu faire régner son obédience sur l’inintelligible, en toute illégitimité. Croyant par son esprit pouvoir abuser de l’infini, l’étau de la misère s’est finalement refermé sur lui. Cette misère l’inquiète car il ne la comprend pas. Il assoit son bonheur sur des certitudes alors qu’une part de lui-même, pleine de doutes, le dévaste. Si impuissant qu’il est, il ne peut le concevoir. La vérité est pourtant là, tout autour. Elle existe et il le sait. Mais trop difficile est pour lui de l’admettre… Il ne peut songer à cette évidence tant elle pourrait faire ployer son habit de grandeur. La nature n’a pourtant pas fini de lui envoyer un message. Regarde, humain, comme elle te transcende. Ose affronter cette vérité qui te blesse. Apprends à ressentir l’humilité, la plus grande sagesse à laquelle t’invite la transcendance. Ce sentiment de dépassement inexorable doit justement te conduire à admirer ta petitesse. C’est en cela que la nature t’a toujours fasciné. Elle te tire, elle t’attire, pour te libérer de l’enchaînement de tes passions destructrices. Ecoute-la humain, écoute les profondeurs de ton âme, pour voir la lumière salvatrice éclairer ta nature.

— RéMinisCeNCes

On part. On part avec une certaine idée des chemins que l’on prendra, du temps qu’il fera, des odeurs qu’on humera, des sensations qu’on ressentira. On part dans ces pensées que l’on connaît déjà, dans le réconfort de ce passé qu’on n’effacera pas. Et puis, on se retrouve soumis à la contingence de la nature, indomptable, qui nous dépossède de toutes les prédictions ayant habitées notre esprit. On se retrouve démuni face à l’imprévisible, à l’incertitude pénétrant chaque pas, à la bonne fortune des éléments. On gravit ainsi les sommets à la recherche de cet inconnu, transcendant ou immanent. On écoute cet appel qui résonne à travers les monts et qui nous invite toujours plus loin, toujours plus haut, vers ces grands empires inhabités. On en oublie le temps, les circonstances, les tourments. On s’allie à l’adversité, cette amie insensée qui jamais ne semble résignée à nous abandonner. On se consume dans l’effort, qui ne cesse de se décupler. Et finalement, on laisse nos yeux exaltés contempler l’indicible, la seule raison qui nous paraît suffisamment indécente pour nous forcer à continuer…

— RésilieNCe

Lorsque la lumière devient ce guide paraissant nous mener vers une possible renaissance, nous croyons embrasser la faiblesse de l’abîme qui nous avait si profondément plongée dans le chaos. Cependant, celle qui triomphe alors n’est que l’illusion d’un monde où les nuages s’en seraient allés vers d’autres cieux. Car le combat ne semble guère terminé. Les ombres demeurent. La nuit prend plaisir à nous attendre. La véritable victoire, celle qui peut arriver à nous délivrer des maux que nous traînons, a lieu lorsque nous acceptons l’étonnante conciliation entre les ténèbres et la lumière ; l’équilibre de ces deux puissances dont la tension créé l’harmonie…

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Elodie